Introduction :
De 1959 à ce jour, la Mauritanie a entrepris des réformes et réaménagements de son système éducatif : 1959, 1967, 1973, 1979, 1984, 1999. La fréquence et la multiplicité de ces réformes suscitent les observations suivantes :
– elles sont fondamentalement des réformes politiques et/ou idéologiques ; elles ont été élaborées sous la pression des situations de crise : toujours pour les régler ou les apaiser, mais jamais pour faire face aux exigences de droits culturels encore moins pédagogiques et/ou psychologiques ;
Introduction :
De 1959 à ce jour, la Mauritanie a entrepris des réformes et réaménagements de son système éducatif : 1959, 1967, 1973, 1979, 1984, 1999. La fréquence et la multiplicité de ces réformes suscitent les observations suivantes :
– elles sont fondamentalement des réformes politiques et/ou idéologiques ; elles ont été élaborées sous la pression des situations de crise : toujours pour les régler ou les apaiser, mais jamais pour faire face aux exigences de droits culturels encore moins pédagogiques et/ou psychologiques ;
– elles n’ont jamais été objectivement évaluées ; elles ignorent les aspects utilitaires, sociaux, culturels, pédagogiques et psychologiques des langues et les droits culturels des diverses composantes du pays ;
– Hormis celle de 1979 qui a consacré la création de l’Institut des Langues Nationales, ces réformes n’ont pas toutes reflété le caractère multiculturel du pays, elles n’ont pas répondu aux exigences d’indépendance, de développement et de démocratie, encore moins aux aspirations des populations dans leur ensemble.
Face à cette situation et surtout aux exigences nationales de développement, et partant de la Loi fondamentale, des conventions et textes juridiques internationaux ratifiés par la Mauritanie, un nouveau système éducatif consensuel et durable est à bâtir : un système qui devra s’appuyer sur l’émergence d’une nouvelle politique fondée sur le respect des communautés nationales, de leurs langues et de leurs cultures.
La vision des associations culturelles nationales est que l’école mauritanienne produise un homme fondamentalement intégré dans son milieu, conscient et acteur du développement, de la transformation de son environnement et des mentalités. A cet effet, l’école mauritanienne doit être effectivement liée à cet environnement pour rompre avec l’élitisme et la sélectivité. Elle sera ouverte sur le monde moderne, aux sciences et aux techniques afin de sortir le pays du sous-développement. Ainsi elle participera à libérer les initiatives créatrices en donnant à chaque Mauritanien sa chance. Une telle école ne peut donc voir le jour que dans un contexte où l’enseignement se fait dans les différentes langues maternelles ; arabe, pulaar, sooninke et wolof.
Contexte :
Des Etats Généraux de l’Education sont envisagés suite au constat unanime de l’échec de l’école mauritanienne. Ils interviennent dans un contexte caractérisé par :
– La Constitution, notamment en son article premier, qui assure à tous les citoyens sans distinction d’origine, de race, de sexe ou de condition sociale l’égalité devant la loi ; et en son article six qui reconnaît quatre langues nationales;
– L’engagement de la Mauritanie sur la voie de la démocratisation et de l’édification d’un Etat de droit ;
– La mise en place d’un Commissariat aux Droits de l’Homme, à l’Action Humanitaire et à la Société civile, d’une Commission Nationale des Droits de l’Homme et d’un Plan National pour la Promotion et la Protection des Droits de l’Homme en République Islamique de Mauritanie ;
– La ratification de divers textes juridiques internationaux relatifs aux droits culturels, aux droits des Enfants, de la femme et d’autres personnes vulnérables.
– Le démarrage des activités de l’Académie Africaine des Langues;
– ACALAN, institution spécialisée de l’Union Africaine dont les statuts ont été adoptés en 2006) qui a identifié à travers le continent 41 langues transfrontalières véhiculaires sur lesquelles elle va mettre l’accent dans les 10-15 ans à venir (dont les quatre langues nationales mauritaniennes ; le lancement des 12 premières Commissions de langues transfrontalières véhiculaires – dont le pulaar – est déjà effectif).
Objectif :
Fidèles à leur mission de promotion de toutes les langues nationales du pays, les associations culturelles nationales, pulaar, sooninke et wolof ont décidé d’apporter leur contribution aux Etats Généraux de l’Education par la publication du présent plaidoyer, pour l’édification d’un système éducatif novateur et performant.
Plan :
Le présent plaidoyer s’articule autour des points suivants :
– Vision et stratégie pour un nouveau système éducatif
– Résultats de l’expérience de l’Institut des Langues Nationales
– Recommandations
- Vision et stratégies pour un nouveau système éducatif :
I. vision
La vision que les associations culturelles ont de l’école mauritanienne est qu’elle produise un mauritanien de type nouveau :
- Enraciné dans les valeurs socioculturelles spécifiques ou communes aux différentes communautés mauritaniennes ou celles qu’elles ont en partage.
- ouvert sur les valeurs contemporaines positives, gages de progrès et de développement;
- respectueux de la diversité linguistique et culturelle, des différences et des droits humains à même d’assurer une démocratie fondée sur la synthèse de nos diversités complémentaires et inspirée des valeurs de paix, de tolérance et de consensus.
II. Stratégie
ii.1. Type d’école
L’école mauritanienne doit être :
1. une école citoyenne, démocratique, de promotion des valeurs de justice et axée sur les éléments ci-après :
- langue maternelle des enfants
- enseignement croisé des Langues Nationales (LN) et diversité culturelle (après enquête sociolinguistique pour déterminer les langues véhiculaires en présence dans les différentes zones)
- Français langue d’ouverture
- valorisation du plurilinguisme
2. une école prenant en charge les besoins éducatifs dans le formel et le non formel :
- Du préscolaire à l’âge adulte (éducation préscolaire, enseignement fondamental, secondaire et supérieur, alphabétisation-formation, formation technico-professionnelle)
- systématisation du partenariat avec l’enseignement privé général et technico-professionnel (avec cahiers des charges).
3. une école fonctionnelle :
- adaptation des curricula aux réalités locales (au lieu d’une uniformisation des programmes) intégrant à la fois les réalités nationales
- compétences de vie pour une bonne préparation des acteurs de la société
- introduction précoce et méthodique de l’entreprenariat (à accentuer progressivement aux différents paliers: activités génératrices de revenus (AGR) généralisées à l’école ; micro-entreprises à la sortie du cursus pour le grand nombre avec appui de l’Etat et du secteur privé pour un emploi assuré)
- primauté des matières scientifiques et techniques pour le développement
- prise en charge effective de l’éducation culturelle, artistique, de la paix et des droits humains
- réduction des disparités et des déperditions scolaires (réintroduction de l’internat, notamment dans les zones défavorisées et surtout pour les filles).
II.2. DUREE DES CURSUS ET CROISEMENT DES LANGUES
- Durée du cursus par ordre d’enseignement
Ordres d’enseignement | Durée du cursus | |
Préscolaire | De 3 à 5 ans | |
Fondamental | 5 ans | |
Secondaire | Collège | 3 ans |
Lycée | 3 ans | |
Supérieur | 4 ans au moins |
Tableau synoptique de l’introduction croisée des langues nationales dans le préscolaire et l’enseignement général formel
Etape | Niveau | LN 1
|
LN 2
|
L3 Français
|
L 4 Anglais
|
Préscolaire | X | X | – | – | |
Fondamental |
1e AF | X | X | X | - |
2e AF | X | X | X | - | |
3e AF | X | X | X | – | |
4e AF | X | X | X | – | |
5e AF | X | X | X | – | |
Collège |
1e AS | X | X | X | X |
2e AS | X | X | X | X | |
3e AS | X | X | X | X | |
Lycée |
4e AS | X | X | X | X |
5e AS | X | X | X | X | |
6e AS | X | X | X | X |
– Préscolaire (jardins d’enfants et garderies, dans 3 sections : les petits : 2-3-4 ans ; les moyens : 4-5ans ; les grands : 5-6 ans.).
Bien conduite, l’éducation préscolaire que nous proposons de systématiser, est un excellent tremplin pour la scolarisation qui implique une très bonne formation des éducatrices et une meilleure prise en charge par l’Etat et le secteur privé de ce niveau d’éducation. L’Etat et le secteur privé appuieront de manière conséquente les initiatives communautaires et privées en la matière.
Nous avons sciemment exclu les moins de 2 ans, normalement pris en charge par des structures spécialisées telles que les pouponnières et les crèches.
– Fondamental: 5 ans
– Secondaire : 6 ans :
– Collège : 3 ans
– Lycée : 3 ans
Nous pensons qu’un système éducatif utilisant judicieusement les langues nationales peut permettre d’écourter la durée du cursus tout en étant plus efficient que ceux que nous avons connus jusqu’aujourd’hui. L’expérience de l’Institut des langues Nationales (voir ci-dessous) à cet effet est édifiante. Il convient de l’analyser pour en tirer tous les enseignements utiles.
Par commodité nous avons numéroté les langues par compétence de maîtrise et d’utilisation :
L1 : Langue 1, correspond à la langue familiale conventionnellement appelée langue maternelle
L2 : Langue 2, seconde langue pratiquée par l’enfant : en général une autre langue nationale
L3 : Langue 3, ici le français
L4 : Langue 4, ici l’anglais
ª Le principe privilégié ici est celui du bilinguisme (voire du plurilinguisme) précoce :
- dès le Préscolaire, l’enfant, en même temps qu’il utilise sa langue familiale dans les diverses activités d’éveil, est mis en contact avec au moins une autre Langue Nationale.
- l’arabe (en tant que L1 pour ses locuteurs natifs) et le français étant prévus à l’école, sont pratiqués comme objets et comme mediums (même si, dans un premier temps le français sera seulement objet jusqu’en 1e Année Secondaire (1AS).
ªNécessité d’introduire l’interculturalité comme discipline d’enseignement scolaire.
ªLa langue anglaise est introduite à partir de la 1e AS et reste objet d’enseignement tout le long du cursus scolaire.
ªL’examen du BEPC se fera en deux langues nationales (langue maternelle et langue seconde) et en français ou anglais.
ªL’examen du Baccalauréat se fera pour l’essentiel en langue nationale pour les disciplines scientifiques et en français pour les disciplines littéraires.
Il sera ouvert des structures de récupération (passerelles) pour les élèves en difficulté ou les néo-alphabètes. Ces structures permettront la remise à niveau : ceux des bénéficiaires qui justifieront des compétences requises seront reversés dans les établissements d’enseignement général et poursuivront normalement leurs études. Les autres auront maîtrisé des compétences qu’ils pourront réinvestir dans la vie active.
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